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Carole Mazerand 3 min

Un joli titre pour une sombre période

Là où tombent les anges

 

Là où tombent les anges, de Charlotte Bousquet. Ce roman nous dresse un portrait de femmes pendant la première Guerre Mondiale. Qui étaient ces femmes de l’ombre, réquisitionnées pour remplacer les hommes au travail et renvoyées chez elle pour materner à la fin de la guerre ?

 

Une nouvelle vie

 

Solange, 17 ans, vit avec un père alcoolique et violent. Un jour, n’en pouvant plus, elle décide d’abandonner « le vieux » et de rejoindre son amie d’enfance, Lili, à Paris. Bals parisiens, cinémas, cafés, théâtres, les jeunes femmes profitent de la vie de la capitale avec leur amie Clémence, rencontrée dans un atelier de confection.

Lili est actrice et chanteuse. Solange, plus réservée et réfléchie, envie la désinvolture, la légèreté et l’insouciance de son amie. Clémence, quant à elle, est une couturière romantique qui s’amourache des mauvais garçons.

Solange croit rencontrer l’homme idéal en la personne de Robert Maximilien, « Robert le Croquemort », ainsi surnommé par Lili. Il l’emmène partout et la couvre de cadeaux. Elle se sent protégée malgré sa manie de vouloir tout contrôler y compris elle. Quand il la demande en mariage, elle accepte. Après tout il lui promettait de ne jamais manquer de rien et sa protection en échange de ses journées à s’occuper la vieille tante Emma. Mais au fur et à mesure, Solange se rend compte que c’est sa liberté qui a été le véritable prix à payer.

 

Une époque difficile

 

La guerre est déclarée et Robert est envoyé au front. Notre héroïne y voit là l’opportunité de se défaire de l’emprise de son mari jaloux et violent. Elle revoit à nouveau ses amies, sort autant que possible. Après des débuts difficiles, entre Solange et tante Emma, s’installe une relation de confiance et d’amitié sincère qui rythme ses journées.

Au travers de Solange, nous suivons également la vie de Lili, Clémence, Marthe et autres protagonistes féminines, toutes différentes, dans cette période de guerre.

Clémence, munitionnette, travaille 12 heures par jour dans des conditions dangereuses pour un salaire de misère. Marthe, indépendante, féministe et fière d’être catherinette s’engage en tant qu’infirmière de première ligne. Lili continue sa vie d’artiste en quittant Paris pour de plus jolies contrées, puis, revient suite à une déception amoureuse pour prendre part à l’engagement des artistes sur le front pour remonter le moral des soldats.

Face à ses amies, Solange se sent privilégiée. Elle mange encore à sa faim, sort dans des salons avec ses amies de la bourgeoisie et prend des leçons de piano qui font naître un sentiment de culpabilité. Elle trouvera son combat en écrivant des articles de presse pour dénoncer les conditions de vie, de travail et l’exploitation des femmes en ces temps difficiles.

 

Un roman riche en histoires

 

J’ai eu un peu de mal à rentrer dans le livre. Je trouvais Solange trop effacée, trop soumise et cela ne me plaisait pas du tout. Et puis j’ai continué la lecture et me suis rendue compte qu’au-delà de son histoire, d’autres vies s’entremêlaient, d’autres personnages. Ainsi nous suivons principalement la vie de trois femmes et par extension leurs amies. La féministe qui est en moi y a vue une ode aux femmes de guerre. Si on y suit les atrocités vécues par les soldats, le roman nous dépeint également la survie des femmes dans un monde de rationnement et de travail dégradant et dangereux.

L’alternance entre la narration, les lettres des jeunes femmes et le journal intime de Solange, nous donne accès à leur personnalité, leurs sentiments, leurs émotions. Ces femmes se livrent à nous et nous plongeons dans leur vie.

Plusieurs lectures sont possibles. Nous pouvons suivre avec attention leurs histoires d’amour loin d’être un long fleuve tranquille, ou bien une histoire d’amitiés, sans oublier l’aspect historique matérialisé sous forme de citations de gros titres de journaux en début de chaque chapitre. Pour ma part, j’ai été captivé, dans ce roman, par l’évolution forcée de la place des femmes dans un monde qui leur était jusqu’alors fermé.

 

Un roman à lire, dense, fort et difficile, pour avoir une idée plus précise de ce qu’ont enduré ces femmes de la Grande Guerre.

 

Là où tombent les anges, Charlotte Bousquet, Gulf Stream Éditions, coll. Electrogène

17 euros

Dès 15 ans

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