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Stéphanie 4 min

Harry Potter et l'enfant maudit

Certains adorent, d’autres détestent… Ce qui est sûr, c’est que le dernier-né de l’univers de J.K. Rowling, Harry Potter et l’enfant maudit (scénario de Jack Thorne et John Tiffany), ne laisse personne indifférent. Mais peut-on vraiment juger le script d’une pièce de théâtre sans la voir sur scène ?

Attention, cet article dévoile des éléments de l’intrigue : si vous n’avez pas lu le livre, c’est à vos risques et périls !

Un livre décevant

Harry Potter et l'enfant maudit

Ne serait-ce que pour les incohérences par rapport au « canon », cette suite n’est pas à la hauteur de la série. Un Retourneur de temps qui crée des univers parallèles au lieu de fonctionner en boucle, du Polynectar qui se fabrique en un claquement de doigts… Difficile à avaler pour des fans qui connaissent leur bible sur le bout des doigts. Et que dire du sortilège de Fidelitas, censé protéger la maison de James et Lily mais qui ne fonctionne pas sur leur petit-fils ?

Les personnages eux-mêmes manquent parfois de consistance : Ron est de plus en plus benêt au fil des différents mondes, et Minerva McGonagall, charismatique directrice de Poudlard, se fait humilier par un Harry toujours aussi tête-à-claques. (Certes, ce trait de personnalité là correspond bien à notre héros, mais on aurait préféré que les scénaristes l’oublient.)

Heureusement, il y a quelques bonnes surprises, comme le personnage de Drago Malefoy, fidèle à lui-même jusqu’au bout. Ou encore la sorcière au chariot dans le Poudlard Express, qui fait partie des innovations intéressantes de ce tome (même si l’idée n’est pas suffisamment exploitée). Notons aussi la nature fraternelle de la relation entre Albus et Scorpius, qui ne forment pas un couple (contrairement à ce que des lecteurs partiaux pourraient s’imaginer) ; les auteurs ont au moins éviter cet écueil-là de la fanfiction.

Malheureusement, ce compliment est gâché par la filiation de Delfi qui fait basculer l’intrigue dans le « fan service », et dans une situation déjà explorée des centaines de fois… avec un résultat parfois meilleur.

Une représentation magique

Harry Potter et l'enfant maudit

Après avoir listé tous les points négatifs du script, on pourrait craindre que la représentation de la pièce soit elle aussi frustrante. Mais il n’en est rien ! Au contraire, c’est en vivant ce moment sur scène qu’on se rend compte que l’histoire a réellement été écrite dans cette intention, et que le support papier ne lui rend pas justice.

Car le premier atout de cette pièce, ce sont des effets spéciaux très réussis. Des jets de flammes fusent dans les airs, des personnages s’envolent, et d’autres se métamorphosent au gré des sorts et des potions. Les Détraqueurs s’élancent du haut plafond pour faire souffler un vent de panique sur le public, et les comédiens n’hésitent pas à se mouiller (littéralement) lors des scènes aquatiques.

Le casting est d’ailleurs le deuxième point fort de la représentation : les comédiens sont incroyables et s’investissent entièrement dans leurs personnages. Ils n’hésitent pas à surjouer en versant dans la caricature, ce qui pourrait être gênant, mais confère en réalité à la pièce une dimension parodique bienvenue. Pour l’apprécier, il suffit de ne pas la prendre au sérieux ! Un paradoxe que le livre est incapable de transmettre. (Sans oublier qu’il est toujours plus agréable de voir des comédiens bouger que de lire les didascalies qui l’indiquent.)

Enfin, la pièce bénéficie d’un avantage non négligeable par rapport à son script : elle tient le spectateur captif. Face au livre papier (ou numérique), le lecteur a toujours la possibilité de faire une pause, de revenir en arrière ou de vérifier une information dans les tomes précédents, brisant ainsi une magie déjà fragile. Il garde un esprit beaucoup plus critique, et adapte l’activité de lecture à ses disponibilités.

Au théâtre, les comédiens imposent leur rythme et le spectateur ne peut que suivre, allant de rebondissements en découvertes sans prendre le temps de respirer. Il peut parfois lui arriver de grimacer devant un geste ou un dialogue malheureux, voire de relever une incohérence, mais il est aussitôt happé par la suite de l’histoire ; impossible d’en analyser les failles en cours de route.

Harry Potter et l'enfant maudit

Ce n’est pas un piège tendu au spectateur ; c’est seulement une mise en scène efficace et un jeu théâtral excellent. Les anglophones ont donc tout intérêt à découvrir ce nouvel épisode d’Harry Potter sur scène, comme il a été pensé (sans lecture préalable du script). Pour les autres… armez-vous de patience et attendez que la pièce arrive en tournée en France (et en français) : le jeu en vaut la chandelle !

J.K. Rowling, John Tiffany et Jack Thorne, Harry Potter et l’enfant maudit, Gallimard, 2016

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