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Stéphanie 3 min
"Le Livre bleu de Nebo" : une anticipation tragique et enchantée
Avec ce roman pour adolescents, Manon Steffan Ros nous plonge dans un monde d’autant plus terrible qu’il s’agit du nôtre ; ou plutôt de ce que notre monde pourrait devenir après une catastrophe planétaire. Mais Le Livre bleu de Nebo n’est pas (seulement) un avertissement menaçant sur l’écologie et notre mode de vie, c’est surtout une fable pleine d’espoir et d’humanité sur notre capacité d’adaptation.
Résumé
Dans un petit village du Pays de Galles, presque tout le monde semble avoir disparu. Sans électricité, les magasins pillés, il a fallu se débrouiller, réapprendre à vivre « à l’ancienne ».
C’est dans cette simplicité et cette rudesse que Dylan, maintenant adolescent, s’est construit. C’est son monde, et il s’y sent bien. Mais une multitude de questions subsistent sur le temps d’avant dont sa mère lui dit si peu. Alors il cherche des réponses dans les livres gallois, écrits dans une langue que sa mère refuse de parler, et même dans la Bible.
Un récit bouleversant, journal intime où se mêlent les voix d’une mère et de son fils ayant fait l’expérience d’une étrange fin du monde.
Contre mauvaise fortune bon cœur
Un chapitre à la fois, en alternant les points de vue, nous faisons la connaissance de Dylan et de sa mère Rowenna, qui vivent isolés dans un petit village gallois. Isolés mais pas seuls : ils doivent prendre soin de Mona, la petite dernière, et peuvent compter sur un couple de voisins qu’ils n’auraient jamais rencontrés dans des circonstances normales. Mais le monde a changé.
Après une catastrophe mystérieuse dont nous savons seulement qu’elle a provoqué « La Fin », la vie a changé. Plus de supermarchés ni de travail de bureau 5 jours par semaine. Plus d’école ni de voiture. La seule nourriture disponible est celle que l’on fait pousser soi-même, sans richesses superflues.
Mais ce nouveau mode de vie a fait ressortir chez les gens ce qu’ils ont de meilleur, et a créé une belle solidarité entre rescapés. Dylan n’est pas malheureux, entouré d’amour et éduqué par sa mère ; même s’il doit apprendre à bricoler, jardiner et sacrifier son enfance au profit de la survie. Il trouve également un grand réconfort dans les livres gallois qu’il dévore, et qu’il tente de partager avec sa mère.
La dure espérance galloise
Car ce livre est un vrai hommage au Pays de Galles, à sa langue et à ses paysages sauvages. On sent à travers les pages tout l’amour que l’autrice porte à son pays. Les écrivains gallois deviennent pour Dylan de véritables amis, la maison devient un refuge, et la langue galloise devient un moyen d’évasion. La terre elle-même permet à la famille de subsister, leur fournissant ce dont ils ont besoin. La vie est rude, mais ils n’en changeraient pour rien au monde.
Ce roman est aussi dévastateur que rempli d’espoir, et oblige le lecteur à se demander ce qu’il ferait à la place de Dylan. Celui-ci fait preuve d’un tel optimisme et d’une telle force constante qu’on ne peut que l’admirer, tout en souhaitant que la vie ne détruise pas ces qualités en grandissant. L’amour que se portent les personnages est un élément salvateur, différence entre la simple survie et la vie de famille.
J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre le parcours de Dylan, avec toute la curiosité et l’énergie de l’adolescence. Il sait que ce n’est pas facile mais il refuse de se laisser abattre, et sa force irradie jusqu’à nous. Laissez-vous porter également, par un court roman qui privilégie l’atmosphère à l’action et remplace les retournements de situation par une émotion tendue.
Manon Steffan Ros, Le Livre bleu de Nebo, Actes Sud Junior, mai 2022. À partir de 13 ans.
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