V

Manon 3 min

Voyage en terre pas si inconnue

Voilà six jours que l’année 2016 a commencé, alors n’attendons plus pour aller à la découverte des derniers chefs-d’œuvre de littérature jeunesse ! Je commencerai pour ma part avec un ouvrage découvert au Salon du livre de Montreuil dernier. Il s’agit de l’album Le Loup Venu, écrit par Gauthier David et illustré par Marie Caudry, qui a su combler, comme la plupart des livres que j’ai l’habitude de lire chez les éditions Thierry Magnier, mes attentes en péripéties et en couleurs. Je m’explique.

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Voyage au bout de la nuit

Cet album, dont les traits minutieux et le milieu naturel dans lequel se déroule l’histoire (et qui ne sont pas sans rappeler ceux de Fanny Ducassé, auteure de la maison également), se trouve être le journal d’une enfant, dont le nom n’est révélé qu’à la fin du livre. Accompagnée de son chien Nox, qui malgré son prénom, la guide aussi bien le jour que la nuit, cette petite savoure en toute simplicité les plaisirs de la nature que l’on a tendance à oublier. Ou en tout cas moi, petite parisienne que je suis. Les bains dans la rivière, l’observation des fourmis qui passent, le bruit des arbres, telles sont les saveurs dont l’héroïne se délecte.

Du moins jusqu’à ce que, comme dans un mauvais rêve, elle découvre une ombre grande, noire et mystérieuse dans la rivière, et qu’elle réussit à extraire. Sans explication raisonnable, cette étrangeté s’avère être un loup. Dans cette histoire, c’est la petite fille qui nourrit la bête, et non le loup qui se nourrit de l’enfant – en tout cas au début… Car l’animal a bien une particularité qui le rend inoffensif : celui-ci n’a plus de dent. Un matin pourtant, elle en découvre plusieurs devant sa porte, sans rien y comprendre. Perplexe, elle s’interroge : le loup restera-t-il aussi docile s’il retrouve son arme fatale que sont ses « molaires, incisives et canines » ?

Grâce à son attention envers ce loup qu’elle a sauvé et pansé, les animaux de la forêt, qui la craignaient autrefois, la considèrent désormais. Tant et si bien, qu’elle se confond avec eux, à l’image de la double-page centrale de l’album : la petite se fond dans le paysage végétal et animal. Encouragée par ce changement, l’enfant achève de récolter les dents et de sculpter celles qui lui manquent encore. Dès la dernière dent offerte (*spoiler alert*), le loup devient gigantesque ; effrayé par les chasseurs qui ont mis le feu à la forêt, il avale l’enfant prénommée Kiki. Après quoi, notre héroïne… émerge finalement de ses rêves.

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D’aventure en aventure…

Résumée de cette façon, l’histoire donne peut-être l’impression d’être sans queue ni tête. C’est justement toute l’intrigue, tout le mystère et l’enjeu d’un récit qui interroge le lecteur jusqu’à la fin de l’ouvrage. Ces changements apparemment incohérents – d’une ombre devenue loup sauvage, de l’animal transformé en une bête immense – sont bien ceux de nos cauchemars. L’irréalisme du récit, auquel on adhère totalement, ne cesse de nous surprendre, plus encore lorsqu’il prend une tournure toute autre : après avoir consacré tout son temps à soigner la bête, Kiki est tout simplement dévorée. Plutôt étonnant pour un livre pour enfant. Le rêve était bien la clé de la lecture énigmatique, et apaise notre surprise.

Comme bien souvent chez cet éditeur, j’ai adoré m’immiscer dans ses pages de verdure, d’arbres et d’animaux, aux couleurs vertes et exotiques, aux allures souvent surréalistes. Les plaisirs savoureux, ces moments où l’on apprécie réellement l’endroit dans lequel on se trouve, sont soulignés par la protagoniste qui écrit dans un style bref, pur et simple :

« En chemin, j’étais émue, joyeuse, j’ai fait vite. Quand je suis arrivée à la clairière, le soleil déclinant la teintait d’une lumière orange. C’était beau. Ce que j’aime tant ici ne me déçoit jamais quand je le retrouve. […] La nuit a fini d’avaler le jour. Je renoue avec la forêt, avec son ambiance particulière d’ombres et de présences animales. Je suis bien. »

Bien que j’aie eu envie de prendre un billet direct vers l’Amazonie ou la Thaïlande après une immersion dans ce livre, l’ouvrage dans son entier m’a procuré cette petite bouffée d’air frais qu’il est bon de respirer en ce début de nouvelle année ! 2016 commence bien ! 

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