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Manon 5 min
Faut-il aller voir l'adaptation du Petit Prince au cinéma ?
Adapter un chef-d’œuvre est toujours délicat. Plus encore lorsqu’il s’agit du Petit Prince de Saint-Exupéry, cette œuvre admirée et appréciée aussi bien des petits que des grands. Poétique et subtil, un tel roman appartient à ces œuvres si mythiques qu’elles en seraient presque inadaptables. Le défi, réalisé par Mark Osborne, a-t-il été relevé ? Nous sommes partagées.
5 raisons d’hésiter :
Pour son narrateur décevant
Une grande partie de l’œuvre de Saint-Exupéry est la voix du narrateur. Dans cette adaptation, on retrouve une partie des dialogues mais l’auteur, qui prend la forme d’un vieux monsieur qui habite une vieille maison un peu farfelue et abrite dans son jardin un avion croulant, ne narre presque pas son histoire. Cela diminue considérablement la portée de l’œuvre et passe sous silence certains passages emblématiques. Par exemple, la tendresse infinie que ressent le narrateur pour le petit prince est illustrée par une scène seulement, alors qu’elle se manifeste à plusieurs reprises dans le livre. La relation entre l’aviateur et le petit bonhomme est beaucoup plus distante dans l’adaptation.
Pour un manque d’esprit français
Mark Osborne est un réalisateur américain qui a notamment créé Kung Fu Panda. Cela transparaît dans son adaptation : on navigue à travers une sorte de Pixar ordinaire (qui n’est pas mauvais, certes, mais qui n’a rien à voir avec Le Petit Prince). J’ai trouvé qu’il manquait d’esprit français. L’histoire du Petit Prince se noie un peu dans cette mise en scène commerciale, qui se construit par-dessus et finit par l’engloutir.
Pour les oublis
Bien sûr, il faut garder en tête que ce n’est qu’une « adaptation ». Mais je regrette de n’avoir pas retrouvé un petit prince qui pose tout le temps des questions sans jamais répondre à celles qu’on lui pose. Je regrette les passages trop rapides sur la rose du petit prince, et sur l’apprivoisement du renard (qui aura toujours les épis de blé pour se souvenir de son ami. Belle image pleine d’espoir. Pourquoi l’amputer ?). Parfois, le film expédie une réplique, sans prendre le temps de rendre ce qu’il y avait autour et ce qui fait la subtilité de l’écriture.
Pour son universalité un peu perdue
Comme l’histoire du petit prince se trouve à l’intérieur d’une autre histoire (pour aller plus vite, c’est une mise en abyme), les épisodes correspondent à une situation pragmatique contemporaine, comme le stress des études ou la mort d’une personne proche. Le film ancre les leçons du petit prince dans une époque donnée et leur attribue un sens dans une situation spécifique. Ce qui fait le charme de l’œuvre est son caractère neutre qui peut s’adapter à tout type de moment dans une vie, à toute personne. Ici, le spectateur est forcé de redécouvrir cette histoire intemporelle dans un carcan défini, ce qui étiole son universalité.
Pour sa (trop ?) grande liberté
Faut-il toucher à un chef-d’œuvre ? C’est un argument plus général mais qui donne matière à penser. Au fond, cela fait des générations que Le Petit Prince se donne à lire avant tout. On ne peut adapter une œuvre sans toucher à son authenticité. Ce qu’il reste du petit prince dans le film de Mark Osborne est le strict minimum, est-ce assez ?
5 raisons d’y aller quand même :
Parce que le scénario est ingénieux
Le Petit Prince revisité par Mark Osborne commence avec une petite fille dont la maman a prévu tout un « plan de vie ». C’est-à-dire que tout est réglé à l’heure et à la minute près. La journée, la petite travaille en vue d’être acceptée à la Werth Academy tant convoitée par sa mère. Or tous ses plans seront chamboulés dès le jour où, son voisin, ancien explorateur, fait découvrir à la fillette l’histoire du Petit Prince, ce petit homme qu’il a rencontré en plein désert. Aussi passionnée par l’histoire que le vieil homme, la petite veut en savoir de plus en plus. De ce fait, le récit continue et le spectateur reconnait peu à peu toute l’histoire du Petit Prince.
Pour le plaisir de retrouver l’œuvre de Saint-Exupéry
Dans cette adaptation, le numérique et le papier alternent, notamment avec les mêmes dessins qui figurent dans l’œuvre de Saint Exupéry : le mouton, l’éléphant mangé par un boa, les baobabs. Ce sont bien ceux de l’auteur, et ici, ils s’animent. Lorsque le spectateur écoute la voix off conter la version originale de l’histoire, le monde du Petit Prince prend vie avec une technique de stop motion, c’est à dire l’animation de personnages en papier. Et cela fonctionne très bien ! Cette première partie du film où l’on découvre le véritable Petit Prince, en parallèle de la trame de Mark Osborne, est à la fois prenante et plaisante.
Pour la continuité de l’œuvre
Suivre l’histoire de cette petite fille qui n’a d’ailleurs pas de prénom, est finalement une bonne approche du Petit Prince. Si certains passages sont trop rapides, le film devrait toutefois inciter à se (re)plonger dans cette œuvre bien connue, qui mérite que l’on consacre du temps à chaque nouveau chapitre.
Pour la superbe bande-originale
Mélodieuse et entraînante, elle s’accorde tout à fait avec le monde poétique de Saint-Exupéry. La jolie voix de Camille ponctue le film avec légèreté, puisque trois de ses titres sont dans le film, et parfois même celle de Charles Trenet dont on entend Boum ! à plusieurs reprises. En ce qui concerne la bande-originale, réalisée par le grand Hans Zimmer – qui avait déjà composé celle d’Inception et Interstellar, et bien d’autres – renforce la tonalité douce et gaie du film.
Pour les personnages et leur remarquable doublage
Quoique vus un peu rapidement, tous les personnages de Saint Exupéry sont présents : le Businessman toujours aussi sérieux, le Roi toujours aussi fier et le Vaniteux imbus de lui même … Oui, tous y figurent merveilleusement et les voix des comédiens qui les doublent y sont bien pour quelque chose. Vincent Cassel dans le personnage du renard, Marion Cotillard dans celui de la rose bien aimée du Petit Prince et Guillaume Gallienne dans celui du serpent, et enfin, la voix rassurante et paternelle d’André Dussollier, narrateur de l’histoire.
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