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Ariane Baste Morand 4 min

Le Petit Prince

Qui n’a pas entendu parler du Petit Prince ? Personne ?

Bien. C’est de cela que j’aimerais parler aujourd’hui.

Paru en 1943 aux États-Unis et en 1946, à titre posthume en France, ce livre pour enfant (si on peut encore vraiment penser cela) est traduit dans autant de langues que la Bible et le Coran.  Est-ce parce que, comme pour les textes religieux, Le Petit Prince peut se lire dans tous les sens et donne à chacun ce qu’il veut y trouver ?

Antoine de Saint-Exupéry, pilote militaire, est alors exilé aux États-Unis, comme un bon nombre d’intellectuels français qui cherchent à fuir l’oppression allemande. Ce personnage, il le cogite déjà depuis des années lorsqu’il en commence la rédaction. En 1935 dans son livre Terre des hommes, on trouve cette citation :  

« Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. »

Saint-Exupéry a travaillé comme un jardinier, il a cultivé son personnage, il a fait germer son idée de livre qui a finalement pu éclore en 1943. Très vite, il rencontre un succès prodigieux et les rééditions et traductions se succèdent. Il est un des symboles de la littérature d’après-guerre.

Adaptations diverses et variées

Quand je lis Le Petit Prince, il me vient comme des voix très douces qui se superposent à la mienne. C’est celles de Jean-Louis Trintignant et Éric Damain. Elles accompagnent ma lecture, modulent les intonations et me ramènent tout droit en enfance !

La première adaptation phonographique est réalisée par Gérard Philipe en 1954. Elle sera suivie par celles de Marcel Mouloudji, Jean Carmet, Claude Piéplu ou encore Pierre Arditi dans les 50 ans qui suivent.

Le Petit Prince a aussi connu un succès à l’opéra et au théâtre, avec The Little Prince de Rachel Portman et Der Kleine Prinz de Nikolaus Schapfl (deux opéras), mais aussi Le Petit Prince, de 1981 à 2001 par la compagnie Guy Gravis, ou sa première mise en scène par Raymond Jérôme en 1963.

Joann Sfar en a fait une bande-dessinée et Method animation en a fait une série d’animation en 2010.

En 1974, Stanley Donen l’adapte au cinéma aux États-Unis, et Jean-Louis Guillermou en France en 1990. Plusieurs films ont été réalisés pour La Géode au Parc du Futuroscope.

Une nouvelle adaptation cinématographique sort le 29 juillet en salle, avec de nouveaux personnages et une image en stop motion dérivée des dessins de l’auteur. Espérons que l’ambiance nous saisisse comme à la première lecture !

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Pourquoi tant de bruit ?

La réponse nous saute aux yeux à chaque relecture : sa poésie. Sous la simplicité de l’écriture bourdonne une multitude de vérités sur l’homme, une subtilité incroyable de réflexion. Il ne nous dit pas ce qu’il faut penser, il passe par des images et des récits qui racontent une histoire différente, une morale nouvelle, à chaque relecture. Il n’est pas nécessaire de comprendre tout pour être touché par la fragilité délicate de ce texte épuré. C’est d’ailleurs le secret que livre le renard au Petit Prince : « Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

La rose, le mouton, les baobabs, le renard, le roi aux ordres raisonnables, le serpent… Autant de personnages que de leçons de vie. Dans ce désert du Sahara, rien d’autre ne semble venir perturber l’écho de leurs voix. Il y a comme un silence qui se crée autour de soi et l’immersion devient totale.

C’est aussi un texte qui donne raison aux enfants, ou plutôt à l’enfant qui se cache dans la grande personne. Bien que le narrateur se retrouve parfois exaspéré par les questions incessantes du Petit Prince (comme tout adulte à peu près normalement constitué), il se ravise aussitôt. Car lorsqu’il chahute le petit bonhomme, c’est le charme de la vie qu’il anéantit. À la lumière de cette question sans réponse : « le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? », toutes les choses sérieuses s’évanouissent.

C’est comme une Lettre à Ménécée, une manière de réapprendre à vivre.

Le Petit Prince est un livre qui convient aux enfants qui ne comprennent pas les grandes personnes, mais c’est aussi un livre pour les grandes personnes qui méprisent ce qu’il y a en eux de trop sérieux.

Je vous laisse avec un son : la délicatesse et la fraîcheur du petit prince, toutes les deux contenues, cristallisées dans son rire. Le son de clochettes.

Ariane.

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