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Ariane Baste Morand 2 min
Roméo sans Juliette
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L’annonce fait d’un coup sombrer ce qui reste de mon enfance. Je souhaite ce naufrage depuis des mois, que mon passé coule au fond de la mer d’un définitif oubli… et pourtant, je demeure comme assommé au pied de cette pancarte ridicule. Je regarde les chardons qui prolifèrent, les rares coquelicots, les ronces, les tas de gravats. L’envie me prend de pénétrer sur le terrain, de toucher le sol, les quelques pierres oubliées. Peut-être que je trouverai un objet m’ayant accompagné durant ces dix-huit années ? »
De retour dans son village natal après un séjour de 6 mois dans un centre pour jeune délinquant, Roméo doit aller rendre visite à son père, Serge, à l’hôpital. Une chose est sûre : ça ne lui plaît pas ! Rébellion adolescente ou aversion légitime ?
Après un rapide entretien avec le médecin traitant de son père, celui-ci lui demande (ou plutôt lui ordonne) de parler à Serge dans le coma pour voir s’il réagit à sa présence et à sa voix. Roméo obtempère à contrecoeur. À sa grande surprise, son père n’est pas seul dans sa chambre d’hôpital : il y a Juliette à ses côtés.
Juliette, c’est la voisine de Roméo, c’est sa copine de toujours, mais aussi son amoureuse sans qu’ils ne se l’avouent vraiment.
À deux, et à l’intention du père de Roméo, ils vont faire le récit de leur enfance commune jusqu’à leur dernière rencontre, 6 mois auparavant. Cette longue narration illumine en détail la relation conflictuelle d’un père et de son fils, une amitié pleine d’épines (comme une rose …), et les recoins sombres d’une société en changement.
À mesure que les années passent, Roméo se sent de plus en plus éloigné de Juliette qui, il en est sûr, le prend pour un demeuré et un incapable. Après avoir arrêté ses études à 16 ans, Roméo commence à s’enticher de mauvaises fréquentations et Juliette et lui s’entendent de moins en moins. À commencer par le langage grossier qui sort de sa bouche, chose que Juliette ne supporte pas… De nouveau, les choses ne sont pas faciles pour ce Roméo et cette Juliette !
Ce n’est pas un roman tendre, il y a comme une agitation permanente, une nervosité qui se cache sous les mots, qui tend le texte et le rend dur. Les réparties sont cinglantes, elles procurent un échappatoire à la rage contenue. Cette rage se transforme en ferveur pour le lecteur qui s’élance dans le roman et qui doit attendre la dernière page pour se détendre.
« J’entends la voix de mon père qui dit : ”Il n’y a que les p’tit pédés qui pleurent, Roméo.”
Et je pleure. »
Dès 14 ans.
Roméo sans Juliette, roman écrit par Jean-Paul Nozière, est paru en mai 2015 aux éditions Thierry Magnier (décidément !).
Ariane
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