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Stéphanie 3 min

« Songe à la douceur » de Clémentine Beauvais

Il y a des auteur.e.s qu’on prend plaisir à suivre sur Lisons Jeunesse, qui mettent dans le mille à chaque livre et se renouvellent avec enthousiasme. C’est le cas de Clémentine Beauvais, que l’on retrouve dans un véritable ovni littéraire : Songe à la douceur (une revisite d’Eugène Onéguine).

Un titre tiré d’un poème de Charles Baudelaire, une histoire inspirée d’un roman d’Alexandre Pouchkine et d’un opéra de Tchaïkovski : le ton est donné ! Littéraire, musical et poétique, ce roman l’est en effet. Un roman en vers écrit à la première personne, mais pas du point de vue d’un personnage : la narratrice omnisciente se déplace dans le temps et l’espace pour faire danser ses héros comme des marionnettes. Et quand la danse se termine, celui qui est encore debout a perdu.

Qu’il est difficile de résumer un tel coup de cœur ! L’intrigue tient pourtant en peu de mots : Tatiana retrouve par hasard Eugène, un amour d’adolescence qui l’avait repoussée à l’époque et qui tombe cette fois follement amoureux d’elle. Tout entre eux semble évident et limpide. Mais est-ce vraiment le bon moment ?

Ce qui est beaucoup plus complexe, c’est l’émotion qui nous submerge au fur et à mesure de la lecture. On s’identifie aux personnages, on tremble avec eux, on aime avec eux… Oui, même moi qui suis d’habitude allergique aux romances ! Car ce livre n’est pas qu’une histoire d’amour ; c’est beaucoup plus. C’est une histoire de vie et de destin, de choix et de liberté. C’est un roman d’apprentissage sur les occasions manquées et les opportunités ratées. Vaut-il vraiment mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets ?

C’est d’ailleurs ce qui fait selon moi de ce livre un roman pour « jeunes adultes » plutôt que pour « adolescents ». (Entendez par là des lecteurs dans la vingtaine, à l’instar des personnages.) Les préoccupations des héros sont éloignées de celles des adolescents : le travail, la thèse, fonder une famille… Même quand ils se remémorent leur adolescence, c’est avec nostalgie et le poids de l’expérience acquise depuis.

Mais attention : Eugène et Tatiana ne sont pas des donneurs de leçon ! Ce sont simplement deux belles personnes, avec leurs failles et leurs forces, qui rêvent de « s’ennuyer ensemble ». Sous le regard complice et humoristique de la narratrice, qui les lie entre eux autant qu’elle les lie au lecteur en ajoutant son grain de sel.

Parce que leur histoire ne s’était pas achevée au bon endroit, au bon moment,
parce qu’ils avaient contrarié leurs sentiments,
il était écrit, me semble-t-il, qu’Eugène et Tatiana se retrouvent dix ans plus tard,
sous terre,
dans le Meteor, ligne 14 (violet clair), un matin d’hiver

Clémentine Beauvais, Songe à la douceur, Éditions Sarbacane, collection « Exprim’ », 2016, 15€50.

Disponible également en livre audio chez Audiolib avec la superbe performance de Rachel Arditi.

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