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Stéphanie 3 min

« Toffee et moi » et « Signé Poète X » : des romans en vers

La prose et ses contraintes séduisent de moins en moins. Pour se libérer, Sarah Crossan (Toffee et moi) et Elizabeth Acevedo (Signé Poète X) ont trouvé la solution : écrire des romans en vers. Plus directs, plus efficaces… et brillants.

Toffee et moi par Sarah Crossan

On faisait l’éloge du précédent livre de Sarah Crossan dans un autre article ; il était naturel de nous intéresser à son dernier roman, Toffee et moi. Loin de l’univers des prisons et de la peine de mort, l’autrice met cette fois en scène Allison, une adolescente fugueuse. Celle-ci trouve refuge chez Marla, une vieille dame abandonnée par sa famille qui sombre lentement dans la démence. Une amitié improbable va naître entre elles, alors que chacune va trouver en l’autre ce dont elle a le plus besoin.

C’est l’occasion d’explorer plusieurs thèmes sociaux fondamentaux. Allison d’abord, qui fuit on ne sait trop quoi : la mort de sa mère ? un père violent ? un mal-être général ? Ce qui est sûr, c’est qu’elle tente de survivre par elle-même dans un monde brutal. De se faire une place dans une société qui l’a rejetée. Mais à quoi a-t-elle droit ?

Marla ensuite, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ses enfants l’ont désertée en la laissant aux soins de son infirmière. Marla vacille entre passé et présent, oubliant régulièrement l’époque où elle vit et les gens qui l’entourent. C’est elle qui surnomme Allison « Toffee », la prenant pour une amie d’enfance.

Au fil des pages se dévoilent leurs histoires respectives, leurs blessures et leur besoin d’amour. Elles forgeront un lien aussi fort qu’inattendu et se construiront leur propre famille, au mépris des convenances. (La scène où Marla se déhanche sur les Beatles est particulièrement savoureuse.) Mais à quel prix ? La réalité finit toujours par nous rattraper.

Sarah Crossan, Toffee et moi, Rageot, juin 2020 (traduit par Clémentine Beauvais).

Signé Poète X par Elizabeth Acevedo

Signé Poète X, Elizabeth Acevedo

Dans son roman Signé Poète X, Elizabeth Acevedo nous livre également une héroïne forte. Xiomara n’a que 15 ans mais déjà beaucoup de problèmes : une mère religieuse et surprotectrice, un corps qui lui attire les regards de tous les hommes qu’elle croise, un frère jumeau trop préoccupé par ses propres soucis pour lui venir en aide… Elle a parfois l’impression de couler.

Alors quand elle rencontre Aman au lycée, c’est comme une bouffée d’air frais. Une bouée de sauvetage à laquelle elle s’accroche désespérément – au point de se rebeller contre l’autorité parentale. Et pour trouver sa voix, Xiomara découvre le slam, où elle puisera enfin l’assurance qui lui manquait.

Roman initiatique juste et touchant, Signé Poète X est plus que l’apologie de la poésie parlée. C’est une transformation, un passage à l’âge adulte qui ne se fait jamais sans douleur. Une liberté que les adolescent.e.s doivent parfois arracher à la force de leurs mots pour avoir le droit d’être eux-mêmes. Ce livre remet en cause la cellule familiale, questionne l’intransigeance religieuse et donne une nouvelle définition de l’amour. Nul doute qu’il permettra à beaucoup de jeunes lecteurs et lectrices de trouver leur voie.

Elizabeth Acevedo, Signé Poète X, Nathan, août 2019 (traduit par Clémentine Beauvais).

Poésie

La poésie adaptée au quotidien, ce pourrait être le slogan de ces deux romans. La poésie qui sert à décrire une vie ordinaire et, ce faisant, la transforme en quelque chose d’unique. Mais aussi la force, coûte que coûte, de nous confronter au monde pour l’obliger à nous voir tels que nous sommes réellement. Plus de faux-semblants ni de compromis, il est temps de tomber le masque et de crier : « Regardez-moi ! »

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